VIOLENCE ÉPIQUE
300
Journal de Montreal
par Philippe Rezzonico
13 Mars 2007 | 13h53
Les notions de courage, de liberté et de sacrifice ont trouvé écho à toutes les périodes de l’humanité. Durant l’Antiquité, quand deux ou trois peuples se partageaient le contrôle de terres connues, ces notions menaient par trop souvent à d’abominables bains de sang.
C’est le cas de 300, le film de Zack Synder (Dawn of the Dead), qui est la transposition cinématographique de l’illustré graphique de Frank Miller (Sin City) inspiré de la bataille du défilé des Thermopyles, où quelque 300 Spartiates s’étaient sacrifiés face aux Perses en l’an 480 avant Jésus-Christ.
Au même titre que les notions de courage, de liberté et de sacrifice, celles de masculinité, de testostérone et de violence sont omniprésentes dans cette production dont la facture visuelle se situe quelque part entre le réalisme, la bande dessinée et le jeu vidéo.
Cette vision librement inspirée du sacrifice du roi Léonidas et ses 300 soldats d’élite n’est toutefois pas l’habituelle mise en situation d’un groupe d’êtres humains placés en situation de combat face à un nombre insurmontable d’adversaires.
Dans The Alamo, par exemple, on se prend de sympathie pour les 180 Américains qui font face à 3000 Mexicains et dont le sacrifice est imminent. Ici, les Spartiates et leurs alliés tièdes ne bénéficient pas de ce sentiment. Quand tu tues des émissaires de paix, quand tu tranches tes ennemis avec un plaisir pas loin d’être sadique, le capital de sympathie est à zéro. Le fait que l’on sache d’emblée que les Spartiates vont éventuellement se faire massacrer n’y change rien.
Une forme, un ton
Néanmoins, ce qui séduit dans 300, c’est la forme et le ton qui ne se prend pas au sérieux. Les tirades vocales – pas loin d’être des envolées lyriques – sont contre-balancées par des one-liners dignes d’un film contemporain; la forte présence masculine n’écrase pas la position maternelle – grâce au jeu solide de Lena Headey – et la violence inouïe des combats est amenuisée par des séquences d’un graphisme léché à outrance qui ont l’air d’un curieux ballet filmé au ralenti.
Dans Braveheart, certains combats étaient perçus commed’innommables boucheries. Ici, le parti pris d’esthétismede Synder et l’exagération généralisée du jeu de Gerard Butler (Léonidas) amenuisent grandement cet aspect, au point que l’on perçoit 300 commece qu’il est: une production épique visant à plaire aux amateurs de sensations fortes qui ne comprend pas les erreurs historiques de Troy, ni la grandiloquence d’Alexander.
http://www.canoe.com/divertissement/cinema/critiques/2007/03/13/3743412-jdm.html