Numérique épique

Numérique épique


Le Figaro .com


Publié le 21 mars 2007




« 300 » de Zack Snyder


C'est un choc et un déchaînement qui renvoient nos antiques péplums au magasin des accessoires. Fini la reconstitution qui taquine l'anachronisme pour enluminer l'imagerie. Bien au-delà de la légende sophistiquée et des artifices de pacotille qui maltraitaient l'Histoire au nom du spectacle, 300, son armée de Spartiates et la bataille des Thermopyles ont déjà subi les avatars d'une réadaptation dans la bande dessinée (pardon du roman graphique) de Franck Miller. Le film n'avait donc plus qu'à suivre et à amplifier les extrapolations du dessin et à démultiplier sa dimension épique. C'est chose faite et recomposée par l'image numérique. Il y a donc le souffle de l'épopée emportant les mouvements de foule d'une armée déchaînée, la fougue des interprètes, la violence des combats filmés parfois au ralenti (merci Sam Peckinpah). Soldats décapités, démembrés, jaillissement de sang, monstres harnachés, monticules de cadavres, affrontements titanesques... La guerre mythique est devenue prétexte à une fresque où la démesure ne fait que sublimer la cruauté. Certes, on sent que l'épopée a fait plus que pactiser avec la technique, elle en est moins l'essence que le résultat. Et on peut diversement apprécier la grandiloquence des personnages, les coquetteries de style et ses extrapolations, le manque de profondeur de champ ou ces passages de l'image sépia au symbolique noir et blanc pour revenir à des ambiances crépusculaires, voire franchement nébuleuses. Ici tous les coups sont permis puisque le film ne fait jamais que succéder au coup de crayon qui a redessiné une ancienne odyssée en semant la confusion entre l'imaginaire, l'évocation et la légende. Seul l'effet compte. Le spectacle grandiose doit l'emporter et il l'emporte dans le bruit et la fureur des combats. On est bien à l'aube d'un nouveau genre qui mélange l'univers fou de l'heroïc fantasy, revisité par la technique et vaguement hanté par l'Histoire. Lyrique, épique, numérique. Ça rime ! Mais à quoi ?


http://www.lefigaro.fr/culture/20070321.FIG000000287_numerique_epique.html